En 2025, les jeux vidéo ont enfin gagné leurs lettres de noblesse artistique, rivalisant avec le cinéma en budgets et en créativité. Pourtant, derrière cette évolution se cache une réalité amère. Certains jeux vidéo sont victimes de disparition rapide. 

Entre serveurs qui ferment et licences révoquées, les joueurs assistent impuissants à la disparition de leurs œuvres préférées. De quoi donner naissance au mouvement Stop Killing Games, la rébellion des gamers contre l’obsolescence programmée du divertissement interactif.

« Vous ne possédez rien » : Le grand mensonge des licences numériques

Steam, Ubisoft Connect et autres plateformes en ligne nous vendent depuis des années l’illusion d’une collection éternelle. Vous avez beau posséder une liste de jeux auxquels vous pouvez accéder en vous connectant. 

Mais la réalité est tout autre. Vos jeux ne vous appartiennent pas. Si la société qui a mis ces jeux en ligne le désire, elle peut orchestrer leur disparition du jour au lendemain. Par conséquent, vous jouez pour rien au final.

Même les versions physiques n’y échappent plus. Maintenant, les cartouches de la nouvelle Switch 2 se transforment en simples clés de téléchargement. Et les disques des nouvelles consoles ne contiennent parfois qu’un menu d’attente pour que vous puissiez télécharger le jeu en question. 

La propriété dans le gaming en 2025 est donc devenue un concept aussi rétro que les manettes à fil. Maintenant, si vous vivez dans un lieu sans connexion internet, vous ne pourrez quasiment plus jouer à des jeux actuels.

The Crew : Le jeu qui a mis le feu aux poudres

Tout a commencé avec The Crew. C’est un jeu de course en ligne développé et édité par Ubisoft. Il est sorti sur plusieurs plateformes, notamment Xbox 360, Xbox One, PlayStation 4 et PC. Mais maintenant, les joueurs n’y ont plus eu accès depuis un moment. Puis, après dix ans de service, les serveurs ferment en 2024. Cela a rendu le jeu inaccessible.

Mais le pire c’est que les licences du jeu original et bien d’autres jeux ont disparus sur Ubisoft Connect. C’est incroyable de pouvoir effacer des bibliothèques entières de données d’un clic. 

Or, malheureusement, c’est une pratique qui rappelle étrangement ces studios de cinéma muet qui brûlaient leurs pellicules dans les années 30. Sauf qu’ici, en plus du jeu, c’est l’argent des joueurs qui y passe également.

L’industrie répond (à moitié) : Entre réalisme et mauvaise foi

Yves Guillemot (Ubisoft) botte en touche : « Rien n’est éternel ». Video Games Europe pleure sur les coûts. Pourtant, quand un jeu coûte 200 millions à produire, ne pourrait-on pas prévoir 0,1% de budget pour sa préservation ? Entre les lignes, un aveu : l’industrie préfère vendre du jetable que de garantir l’accès à ses œuvres.

De nos jours, le live service est devenu commun. C’est cette mode qui transforme les jeux en abonnements déguisés. Même si vous avez un jeu sur Steam depuis ses débuts, les nombreuses mises à jour peuvent le dénaturer au point de ne plus ressembler à la version que vous avez achetée à l’origine.

Concord, le hero shooter de Sony, a tenu deux semaines avant de rejoindre le paradis des serveurs fermés. Le jeu Anthem suivra bientôt, promis à une disparition totale en 2026. Seul Fortnite semble échapper à la malédiction. Les jeux-service peuvent-ils donc survivre à condition d’être exceptionnel ? Sans doute que oui, et encore, c’est parce que vendre des skins à prix d’or est la clé de cette industrie.

Stop Killing Games : La révolte des gamers archivistes

Mené par le YouTubeur Ross Scott, le mouvement Stop Killing Games a donc vu le jour. Et cela a déjà forcé Ubisoft à ajouter des modes hors ligne à The Crew 2 et Motorfest

Et en Europe, une pétition a réuni 1,4 million de signatures contre cette mauvaise pratique de l’industrie des jeux vidéo. Tandis que la Californie impose désormais plus de transparence sur la « propriété » numérique. Même CD Projekt Red montre l’exemple via GOG.com, prouvant qu’on peut vendre des jeux sans les reprendre ensuite.

Par contre, si Stop Killing Games ne peut sauver tous les titres, il a déjà imposé un débat crucial. Après tout, imagine-t-on un musée du cinéma où les films s’effaceraient après dix ans ? Alors que le gaming gagne ses galons d’art, sa conservation devient un enjeu culturel. Reste à savoir si l’industrie suivra ou continuera à considérer ses joueurs comme des clients temporaires dans un magasin de location.