Et si votre prochain guide spirituel dans la pratique de votre religion était… une IA ? C’est le pari de Magisterium AI, un chatbot catholique qui répond aux questions de foi avec pour seule Bible un corpus de 27 000 textes religieux. Des écrits de Saint Augustin aux encycliques papales, voilà qui promet de la lecture. 

Lancé en 2023 par la société Longbeard, ce « ChatGPT des catholiques » a déjà séduit 100 000 utilisateurs mensuels, clercs en tête. Certains prêtres s’en servent même pour rédiger leurs homélies ! Mais l’initiative ne fait pas l’unanimité. Pour ses détracteurs, remplacer le dialogue humain par des algorithmes, ce n’est pas naturel et complètement détaché de la réalité. Mais voyons de plus près ce que cela donne en pratique.

Le Pape, les évêques et l’IA : une relation compliquée

Alors que le pape Léo XIV met en garde contre les risques de l’IA pour « la dignité humaine », certains évêques américains y voient une opportunité. Ils comparent même cette technologie à l’imprimerie de Gutenberg.

Cela signifie qu’elle est perçue comme un outil qui pourrait servir « la sainteté et le bien commun ». Pourtant, les avis sont partagés à ce propos. L’avancée de l’IA dans le domaine de la foi est donc un sujet qui tiraille l’Église.

Entre méfiance et fascination l’IA doit encore faire ses preuves. En coulisses, Magisterium AI se veut rassurant. Son algorithme est supervisé par deux comités de prêtres (dont les noms restent mystérieusement secrets). Puis, il est dit qu’elle ne puise que dans des sources approuvées. Mais peut-on vraiment croire à l’aveugle qu’elle ne sera pas victime d’hallucinations numériques ? Je ne pense pas.

A Catholic AI app promises answers for the faithful. Can it succeed? https://t.co/FpsvBMCXjX

— Anita Nelam Adams (@AnitaNelam) August 1, 2025

Gare aux âmes numériques égarées

Sinon, derrière l’enthousiasme technologique que l’IA représente dans le domaine de la religion, Matthew Sanders, fondateur de Longbeard, admet que l’usage de cette technologie est à prendre avec des pincettes.

Selon lui : « les jeunes pourraient croire que l’IA est une personne« . Un risque souligné par des experts comme Cansu Canca (Université Northeastern). Selon ce dernier, « comment savoir si l’IA ne vous détourne pas subtilement de votre chemin ? ». Après tout chacun est libre de croire à ce qu’il ou elle regarde sur son smartphone.

Cependant, si chaque religion développe son propre chatbot, nous pourrions nous enfermer dans des bulles doctrinales numériques. Imaginez un débat entre un rabbin algorithmique et un imam génératif. Ce serait un dialogue interreligieux version 2.0 qui promet d’être… animé.

Traduire Saint Thomas d’Aquin en 50 langues sa donnerait quoi avec l’IA ?

Malgré tout, Magisterium AI a des atouts. Sa capacité à traduire instantanément les textes sacrés dans 50 langues en fait un missionnaire high-tech. Brian Green (Université Santa Clara) y voit un « bon usage » de l’IA.

Actuellement, les faits sont là, certains fidèles préfèrent interroger une machine plutôt qu’un prêtre, « par peur du jugement« . Reste la question existentielle : une intelligence artificielle peut-elle vraiment saisir les nuances théologiques ? Comme le note le professeur James Keenan (Boston College), « la religion exige d’embrasser la complexité humaine » – pas juste des réponses binaires.

La foi à l’ère des algorithmes : bénédiction ou péché informatique ?

Au final, entre outil pédagogique qui évite de lire 27 000 pages et gourou spirituel, Magisterium AI incarne les dilemmes de l’Église face à la tech. Sanders le reconnaît : « Si l’Église n’accompagne pas cette révolution, beaucoup tomberont dans le vide ». Mais jusqu’où automatiser la quête de sens ? Après tout, comme le chantait naguère un célèbre groupe de pop… même les anges ont besoin d’un réseau Wi-Fi.